Anarchitecture. Le terme renvoie, au mieux, aux dissections de béton de l'artiste américain Gordon Matta-Clark, pionnier de la lecture urbaine par déconstruction, qui, dans les années 70, s'échinait à découper tous les bâtiments abandonnés. Au pire, à la charge plombée de Damien Saez sur, pêle-mêle, la société de communication, du fric, le “féminisme sans couilles” etc. Dans les deux cas, ça passe par le dynamitage. Il en va de même chez Skunk Anansie, allumeurs de mèches brit-rock des années 90. Riffs sanguins, Skin plus féline que jamais, low kicks rock, bandages électro et l'habituelle ballade plus sucrée... Dans ce sixième et nouvel album, Anarchytecture (Verycords/Warner), produit par Tom Dalgety, Skin et ses compères cognent plein fer, cherchant les fièvres originelles. Depuis leur reformation en 2009, on a beaucoup ergoté sur leurs productions mi-figue mi-raisin, tel le rock lustré Wonderlustre (2010) : ont-ils perdu le feu sacré ? Ne se sont-ils pas fourvoyés dans les expérimentations, voire les bidouillages sonores ? Le Skunk II n'est-il pas un pétard mouillé ? Il y a trois ans, Black Traffic prouvait que le quatuor avait retrouvé la gnac et la rage, sur les traces de la teigne "Charlie Big Potato". On se rap-pelle également de la sortie de Skin, en pleine promo de son disque solo, à propos de la pop : "Une culture jetable, contrairement au rock qui est une musique qui s'inscrit dans le temps. La pop, c'est de la m... Ces musiciens composent un album puis deviennent présentateurs télé...". Bref, on ne prendra pas l'actuelle jury de l'émission The Voice Italie a frayé dans les orchestrations sirupeuses et les mélodies pop bonbon. Tout cela explique l'architecture de cet Anarchytecture, plus rock qu'anar, même si certains regretteront quelques glaçages électro-pop, comme sur le single "Love someone else". Qu'ils se rassurent, à la guitare, Ace ne tricote pas. En somme, de bonnes fondations pour courir les prochaines scènes, leurs juges de paix.

—  Milo Green