En concert le 11 octobre au Divan du Monde.
Vingt ans après leurs débuts, les Toulousains ont toujours la rage - against les puissants plus que les machines -, la preuve en gros son et en images chocs dans leur dernier brûlot, Dancefloor Bastards (Verycords/Warner). Cocktail explosif de rock, metal et indus, de guitares saturées et de transes techno - "dance metal" disent certains -, leur sixième album promet quelques fessées aux bobets des pistes de danse. Pas de disco, plutôt du genre radicaux, les Sidilarsen balancent du plomb sous les boules à facette. Interview coup de poing avec le chanteur David "Didou" Cancel.
Sidi, dynamiteurs de dancefloors
Pourquoi ce titre "Dancefloor Bastards" ? Dans le morceau éponyme, vous écrivez que vous n’êtes pas des "rockstars mais des dancefloor bastards". C’est-à-dire ?
Il y a quelque temps, on se demandait comment nous pouvions définir le groupe, cette expression s'est imposée au détour d'une blague, mais c'est vrai que notre musique a une spécificité pour un groupe de metal : elle fait danser. En deuxième lecture, il y a un aspect provocateur dans ce terme de bâtards, ou connards, des dancefloors, une forme de résistance, car, au bout de vingt ans, Sidi est toujours là et af-franchi des codes de l'industrie du disque.
Dans ce titre, vous expliquez vos choix de carrière, "ne pas quitter le Sud (...) être loin des modes éphémères". Cela a-t-il été compliqué de mener votre carrière comme vous l’entendiez, de composer avec les labels ?
Ça n'a pas toujours été simple... Sur les deux premiers albums, nous avions signé avec une maison de disques qui ne nous correspondait pas vraiment ; nous étions habitués à tout faire nous-mêmes et avions créé un collectif à Toulouse (Antistatic, ndlr). À un moment, la question de déménager à Paris s'est posée puisque les médias et les labels sont concentrés en Ile-de-France, mais nous voulions rester dans le Sud malgré tout. Aujourd'hui, nous avons la chance d'avoir signé avec Verycords, un label qui soutient les groupes "vénères" à guitares (rire), nous sommes vraiment bien entourés. Notre carrière s'est construite sur la durée, l'ascension a été lente - nous n'avons jamais été à la mode et nous ne le serons jamais -, mais nous avons un public fidèle. Aujourd'hui, nous sommes plus forts que jamais.
Cet album sonne très live, il semblerait que vous ayez voulu retranscrire l’énergie de la scène.
Tu as raison et ça me fait plaisir que tu l'aies constaté car c'était l'objectif de cet album. Nous avons travaillé avec Plume, le même réalisateur que sur le disque précédent (Chatterbox, sorti en 2014, ndlr). Le gars a un petit studio, mais de bonnes oreilles ! Sur Chatterbox, nous avions atteint le maximum de ce que nous voulions faire en termes de production ; pour celui-ci, nous penchions pour quelque chose de moins léché, plus sale, plus organique... Notre démarche était de privilégier l'instant plutôt que le résultat.
Plus étonnant, il y a du saxophone sur le titre "Au maximum". Un instrument rare dans ce style de musique...
Sur chaque album, on essaie toujours de prendre un risque, de se surprendre et sortir des codes habituels de la scène metal. Nous avions envie d'une couleur un peu étrange via un cuivre, qui rappelle les sirènes de Prodigy ou des Bérurier Noir.
Sidi, charges & larsen
Au-delà de vos textes engagés et altermondialistes, vous semblez avoir peu foi en l'homme comme vous le chantez dans "Spread it" ("Tuons nos Dieux, sauvons les hommes"), ou dans "Walls of Shame", où vous épinglez la propension des hommes à s’asservir et à s’entre-tuer...
Nous faisons des constats d'urgence qui nous rendent parfois amers, cyniques, en colère... Mais nous avons envie d'impulser un mouvement positif, de réfléchir ensemble pour s'élever. Cet album est assez sombre, très engagé par moments, mais avec Viber (Benjamin Bury, ndlr), l'autre auteur du groupe, nous préférons donner des pistes de réflexion, jamais de solutions ni de leçons.
Dans "Guerres à vendre", vous faites une critique générale de la société, en brocardant tout à la fois "les dictatures démocratiques, les dépendances économiques, les lobbies pharmaceutiques, du tabac, de l’informatique" etc.
Cette chanson est née d'un climat général. C'est une réaction de Viber aux années Bush, à cette propension à s'acheter une richesse sur le dos des pauvres, à saigner et enfoncer les pays du tiers-monde, à lutter contre le terrorisme tout en leur vendant des armes, ce cynisme et ce sentiment de supériorité... Le texte était déjà écrit quand sont survenus les attentats de Paris, mais en studio, nous avons éprouvé le besoin de durcir le propos et de rendre le morceau plus violent, nous étions bouleversés...
Pourquoi cet hommage à l'Afrique du Nord dans "Méditerranée Damnée" ?
C'est un texte que j'ai écrit suite au traitement de la "crise des migrants". Je déteste ce terme ! J'ai toujours parlé de réfugiés. Au bout d'un certain temps, les journalistes ont commencé à réutiliser ce terme, plutôt que migrants, qui évoque des parasites. Dans ce morceau, j'avais envie de me mettre dans la peau d'un homme déraciné, obligé de braver nombre d'épreuves pour survivre, bref de lui rendre son humanité.
Sidi & le macadam
Dans le titre "Go Fast", vous racontez la vie en tournée, le tour-bus bourré de matériel, les rêves de turbocompresseur. Vous vous traînez tant que ça sur la route ?
La vie en tour-bus est un mélange de bons moments et de lassitude, comme le ras-le-bol de manger des "triangles" sur les aires d'autoroutes. Du coup, on déconne souvent sur nos rêves d'engins sur-motorisés. Je précise que c'est une blague, un fantasme absurde de go fast, pas du tout une incitation à la violence routière ! (rire)
Vous avez tourné pendant deux ans pour le Chatterbox Tour, comment faites-vous pour tenir la distance : pas d'excès, couchés tôt, nourriture bio, voire un entraînement physique comme Johnny avant de partir sur la route ?
Nous sommes plutôt rock'n'roll, mais nous avons quelques petits secrets pour tenir le coup. Je te dévoile un scoop : la copine du chanteur Viber nous prépare des sandwichs bio, faits maison, super bons !
Finissons sur des anecdotes. Le festival d’été le plus insolite, où vous ayez été invités ?
Je m'en rappelle d'un dont le nom était marrant, le Festi'Vache, un événement dans une prairie avec des vaches effectivement. Nous avons également joué dans un festival très étrange, la Madone des Motards, qui est un rassemblement de motards religieux ! On croisait des bikers et des bonnes sœurs partout, on se demandait où on était tombés ! (Chaque été, près de 20 000 motards se retrouvent dans le village de Porcaro, près de Rennes, pour le "Pardon de la Madone", créé en 1979 par le père Louis Prévoteau, ndlr).
Ton pire souvenir ?
Il y a quelques années, nous devions jouer dans un festival très amateur. On arrive sur place, la scène n'était pas installée et le chapiteau était accroché à des véhicules, du grand n'importe quoi ! Notre ingé son a donné un coup de main aux techniciens du festival, il a tout câblé, et leur a même donné des câbles car il en manquait. Comme il existait des risques d'électrocution - il n'y avait pas non plus de prises "terre" -, d'un commun accord avec les organisateurs et Parabellum qui y jouait aussi, nous avons décidé d'annuler le concert. Cela a été la seule annulation de notre carrière, dur à encaisser...
Le pire catering ?
En France, il existe un véritable savoir-faire, même si parfois - j'en profite pour faire passer un message à qui de droit - tu tombes encore sur le fameux taboulé en boîte et le poulet reconstitué.
Le festival de tes rêves ?
Nous avons un gros objectif cette année : se produire au Hellfest en 2017.
Un article à retrouver dans notre magazine d'été.